Le conjoint qui participe à la mise en valeur de l’exploitation agricole de son époux (se) doit opter en faveur d’un statut juridique. Mais quel statut choisir ? La question est délicate pour au moins deux raisons.
D’abord, la qualité de conjoint d’un exploitant recouvre des situations très différentes selon qu’il participe, entièrement ou partiellement, à l’activité agricole. Le choix d’un statut est donc en premier lieu guidé par cette situation objective.
Ensuite, l’option en faveur d’un statut plutôt qu’un autre dépend essentiellement des effets recherchés d’un point de vue juridique, fiscal, patrimonial et surtout social. Une véritable réflexion doit donc être menée en la matière.
Voici un point sur les différents statuts possibles, et sur les principales conséquences qu’ils emportent tant pour le conjoint que pour l’exploitant, des époux qui travaillent ensemble dans l’exploitation familiale pouvant être tous deux exploitants, ou l’un être le collaborateur, voire le salarié, de l’autre.
Le conjoint coexploitant
Deux époux qui mettent en valeur ensemble et pour leur compte une même exploitation agricole sont, d’un point de vue juridique, présumés être des coexploitants. Très fréquente en pratique, cette situation correspond à celle où le mari et la femme participent ensemble et de façon effective aux travaux et à la direction de l’exploitation en se partageant les tâches et les rôles. Selon la loi, ils sont alors censés s’être donné réciproquement mandat d’accomplir les actes d’administration concernant les besoins de l’exploitation. Autrement dit, l’un ou l’autre des époux est habilité à réaliser l’ensemble des actes que requiert le fonctionnement normal de l’exploitation (commande de matériel, vente des produits...). Autre conséquence de cette présomption de mandat réciproque : la totalité des biens des deux conjoints, quels que soient leur régime matrimonial et la nature de ces biens, est engagée et peut faire l’objet de poursuites par les créanciers de l’exploitation.
Sachant toutefois que chacun des époux dispose de la faculté de déclarer devant notaire que son conjoint ne pourra plus se prévaloir de ce mandat présumé prévu par la loi. Et, par ailleurs, que cette présomption de mandat n’existe plus lorsque l’un des conjoints cesse de participer de manière régulière aux travaux de l’exploitation.
À noter : lorsque le conjoint participant à l’exploitation est cotitulaire des baux ruraux avec son époux, il bénéficie de toutes les prérogatives attachées au statut du fermage (droit au renouvellement, droit de préemption...). Et même si les baux ne sont consentis qu’à un seul des époux, ce conjoint dispose de certains droits sur ces derniers : droit de regard sur leur résiliation, droit de se faire céder les baux du vivant de l’exploitant ou de les poursuivre après son décès...
D’un point de vue social, l’option du conjoint pour le statut de coexploitant doit être expressément formulée auprès de la caisse de Mutualité sociale agricole (MSA). Le conjoint est alors affilié en qualité de chef d’exploitation au régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles. À ce titre, tout comme son époux, il cotise à ce régime sur ses revenus professionnels et bénéficie de l’ensemble des prestations sociales qui y sont attachées.
Et fiscalement, à l’instar de son époux, le conjoint coexploitant sera imposé au titre des bénéfices agricoles tirés de l’exploitation selon le régime d’imposition auquel il est soumis (micro-BA, régime simplifié ou réel).
Attention : lorsque le conjoint exerce une activité extérieure à l’exploitation, il ne peut pas prétendre au statut de coexploitant. Un conseil : dans la perspective où il a vocation, à l’avenir, à devenir lui-même exploitant, par exemple lorsqu’il succédera à son époux parti en retraite ou décédé, il a intérêt à posséder ou à préparer d’ores et déjà un diplôme agricole. Car ce diplôme lui sera alors indispensable.
Le conjoint collaborateur
La situation dans laquelle le conjoint travaille de façon régulière, même à temps partiel, dans l’exploitation de son époux sans être rémunéré (ni associé) et sans avoir lui-même la qualité de chef d’exploitation (coexploitant) est également très fréquente. Dans cette hypothèse, il peut (et même il doit) opter pour le statut de collaborateur. En pratique, l’option s’opère par le biais d’une notification à la caisse de MSA dont relève le chef d’exploitation, accompagnée d’une attestation sur l’honneur par laquelle l’intéressé déclare participer, sans être rémunéré, à l’activité agricole de son époux.
L’intérêt de ce statut est surtout de conférer une protection sociale au conjoint de l’agriculteur. Ainsi, il bénéficie de droits personnels à la retraite (régime de base et complémentaire) et a vocation à percevoir une pension en cas d’invalidité ainsi que certaines prestations en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Bien entendu, ce statut a un coût pour l’exploitant qui doit acquitter les cotisations sociales correspondantes pour son conjoint.
Autre avantage de ce statut : lors du décès de l’exploitant, le conjoint collaborateur aura droit au versement d’une créance, dite de salaire différé, prélevée sur la succession lorsqu’il aura participé, « directement et effectivement », pendant au moins 10 ans, à l’activité de l’exploitation.
Juridiquement, lorsqu’il a la qualité de collaborateur, le conjoint est présumé avoir reçu de son époux chef d’exploitation le mandat d’accomplir les actes d’administration pour les besoins de l’exploitation. Mais à la différence du conjoint coexploitant, le conjoint collaborateur n’est qu’un simple mandataire qui n’est donc pas engagé sur son patrimoine personnel par ces actes.
À noter que le statut de collaborateur est ouvert non seulement au conjoint de l’exploitant individuel, mais aussi à celui de l’associé d’une exploitation constitué sous la forme d’une société (GAEC, EARL, SCEA...) dès lors qu’il exerce une activité professionnelle au sein de cette société (et qu’il n’est pas lui-même associé).
Précision : le concubin d’un exploitant agricole, de même que la personne liée avec lui par un pacte civil de solidarité (Pacs), doit également faire le choix d’un statut lorsqu’il travaille régulièrement dans l’exploitation. Il peut donc notamment prétendre au statut de collaborateur.
Le conjoint salarié
Le choix du salariat répond avant tout à la nécessité de verser une rémunération au conjoint en contrepartie de son activité dans l’exploitation. Outre lui conférer une véritable couverture sociale, celle du régime des salariés agricoles, ce statut lui donne également une autonomie financière. Attention, l’activité du conjoint doit être réelle, la loi exigeant qu’il « participe effectivement » à l’exploitation, ce que n’hésite pas à contrôler la caisse de MSA.
L’option pour le statut de salarié est évidemment coûteuse pour l’exploitant qui acquitte, en sus du salaire, les charges sociales patronales correspondantes. Mais fiscalement, ce salaire est déductible des revenus imposables de l’exploitant soumis au régime réel, en totalité ou partiellement selon qu’il est ou non adhérent d’un centre de gestion agréé. De son côté, le conjoint qui perçoit un salaire est redevable de cotisations salariales et est évidemment imposé sur ces sommes au titre des traitements et salaires.
Le conjoint associé
Enfin, lorsque des époux travaillent ensemble dans l’exploitation familiale, ils peuvent décider de la mettre en valeur sous la forme d’une société, le plus souvent d’un GAEC (possible entre deux époux seulement depuis quelques années) ou d’une EARL. Ils auront alors tous deux la qualité d’associé, permettant ainsi à chacun de pouvoir être reconnu comme chef d’exploitation, en particulier en matière de protection sociale. Sachant que le choix de la constitution d’une société par les époux n’est évidemment pas dicté par la seule préoccupation de leur conférer un statut...
En conclusion : chaque statut présente des avantages et des inconvénients qui doivent être attentivement analysés avec l’aide d’un professionnel – le Cabinet est à votre disposition pour vous conseiller en la matière – et des services de la caisse de Mutualité sociale agricole.
Copyright : Les Echos Publishing 2017